28 févr. 2024

La visite médicale obligatoire pour le renouvellement du permis de conduire

INSTAURATION D’UNE VISITE MÉDICALE OBLIGATOIRE POUR LE RENOUVELLEMENT DU PERMIS DE CONDUIRE : « UNE VRAIE FAUSSE BONNE MESURE ! »

Pour Patrick Mirouse, Président du Groupe ECF, le vote du Parlement européen qui interviendra aujourd'hui (28/02/24) ne concerne pas spécialement les séniors, comme le suggère la majorité des médias.

Le vrai sujet, qui nous concerne tous, est plus l’incompatibilité de conduite. Mais ce sujet d’intérêt général, de sécurité routière, ne sera pas réglé par l’instauration d’une visite médicale obligatoire, comme le souhaite le Parlement européen.

Détails, explications et proposition d’alternative.

« Il est hors de question pour le Groupe ECF de stigmatiser les séniors ! », rappelle Patrick Mirouse, Président du Groupe ECF. « Pour mémoire, ces derniers sont la cause de seulement 9 % des accidents, contre 19 % pour les 18-24 ans. Néanmoins, ce vote met en exergue un sujet bien plus complexe, lié aux incompatibilités de conduite ou à certaines pathologies qui ne permettent pas une conduite en toute sécurité. Mais ce n'est pas en obligeant 3 millions de conducteurs par an à passer une visite médicale qu’on va régler ce problème ! ».

Rappel sur le vote du Parlement européen :

Dans le cadre de son objectif « Vision zéro », l’Union européenne s’est engagée à ce qu’il n’y ait plus aucun décès lié à la circulation d’ici 2050. C’est pourquoi, le Parlement européen votera aujourd'hui pour l’instauration d'une visite médicale obligatoire pour le renouvellement du permis de conduire, soit tous les 15 ans, dont les modalités seraient laissées à la discrétion de chaque État membre. En outre, à partir de 60 ans, la validité administrative doit également être abaissée pour s’assurer que les conductrices et conducteurs soient pleinement aptes à conduire, un abaissement a priori laissé également à discrétion des États membres.

Pourquoi cette résolution est une fausse bonne idée ?

Il faut tout d’abord rappeler qu’il existe bien des incompatibilités / pathologies dangereuses pour le conducteur et les usagers de la route.

1 - Un manque de moyen flagrant et pénalisant :

Ce projet se heurte à des chiffres clés qui démontrent que la mise en place de la visite médicale obligatoire n’est pas réaliste :

Juste sur Paris, on ne comptabilise que 28 médecins agréés capables de réaliser ces visites médicales*. Or, en moyenne, 3 millions de conducteurs par an devraient passer une visite médicale tous les 15 ans. Le manque de médecins agréés rendrait immédiatement cette mesure intenable car le système se retrouverait très vite bloqué, et de nombreux conducteurs, par ailleurs totalement aptes à la conduite, seraient dans l’illégalité.

2 - Des expériences à l‘étranger peu significatives

Le Groupe ECF s’accorde avec l’Association 40 millions d’automobilistes, qui rappelle par la voix de son délégué Pierre Chasseray qu’« aucune amélioration significative de la sécurité routière » n’a été constatée dans les pays où un contrôle médical a été instauré. L’association rappelle également que des dispositifs existent déjà pour les situations nécessitant un avis médical (permis de conduire spéciaux, demande de la famille d’un conducteur, commissions médicales des permis de conduire des automobilistes particulièrement dangereux…).

Pour Patrick Mirouse : « Il serait déjà important de rendre plus efficaces les procédures qui existent pour les usagers qui en ont un besoin avéré, avant d’imposer à chacun de se soumettre à des visites médicales qui seront, pour la majorité des personnes, inutiles et coûteuses. »

3 - Des chiffres clés sur les séniors qui n’invitent pas à la stigmatisation :

Selon l’ONISR** :

Si un conducteur de 75 ans et plus est impliqué dans un accident mortel, il en est responsable dans 81 % des cas. Mais, car il y a un mais d’importance, les conducteurs de 75 ans et plus ne causent que 9 % des accidents mortels. À titre de triste comparaison, lorsqu’ils sont à leur tour impliqués dans un accident mortel, les 18-24 ans en sont responsables à 80 %, eux aussi… En revanche, ils causent 19 % de ces accidents.

Ce même observatoire a constaté que les accidents mortels, toutes catégories confondues (de 2020 à 2022), sont dus à un malaise dans 27 % des cas pour les 75 ans et plus (et même 31 % pour les 65-74 ans). Or, comment peut-on prévoir qu’une personne, qu’elle soit âgée ou non pourra être victime d’un malaise et causer un accident mortel à un moment et à un lieu donnés ? Quelle visite médicale, la plus approfondie soit-elle, pourra le déceler ?

La position du Groupe ECF :

Le groupe ECF, ne soutient pas cette mesure de contrôle tous les 15 ans qui parait très difficile dans sa mise en œuvre. En revanche, l’inaptitude à la conduite doit être détectée, les médecins généralistes qui connaissent bien leurs patients sont les mieux placés pour faire remonter les pathologies incompatibles à la conduite. Idem pour les médecins spécialisés (ophtalmologues par exemple).

De plus l’inaptitude (voir liste ci-dessous) n’a pas d’âge, il ne convient donc pas d’avoir un dispositif particulier pour les seniors.

Enfin, pour Patrick Mirouse : « La fin de la conduite pour un sénior est souvent synonyme de mort sociale. Notre objectif est de maintenir le plus longtemps possible les séniors au volant, en leur proposant notamment des stages pour une conduite en toute sécurité. »

Liste des incompatibilités à la conduite :
  • Somnolence excessive non traitée ou persistante
  • Épilepsie déclarée (sous certaines conditions)
  • Alzheimer dès le début du stade 3 de l’échelle de Reisberg
  • Psychose aiguë et chronique
  • Handicap visuel, si l’acuité visuelle des deux yeux est inférieure à 5/ 10
  • Handicap physique s’il n’est pas possible d’aménager le véhicule
  • Dépendance physique aux psychotropes ou à l’alcool
  • Diabète, si le conducteur est atteint d’hypoglycémie sévère.
  • A la suite d’un accident vasculaire cérébral ou d’un traumatisme crânien, un contrôle doit également être réalisé.

*https://www.aaaep.fr/medecins-agrees-permis-de-conduire-paris-75.html

**(Observatoire national interministériel de la Sécurité routière)